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Quand les faits divers racontent la crise 2/3 (13/09)

Frédéric Ploquin - Marianne

 

 

Quatre années de difficultés économiques ont fait flamber la misère, la précarité et la criminalité. Deuxième épisode de notre revue de détail de ces petits et grands drames dont la crise est le principal scénariste.

(OLYMPIA/SIPA)
(OLYMPIA/SIPA)
Le premier volet de la série est à lire ici.
 

 

  • Une commerçante version braqueuse
  Pendant la crise, même les riches pètent les plombs. Fille de notables mosellans, déjà quinquagénaire, Fabienne Lévy gérait des boutiques de prêt-à-porter à Saint-Avold. C'est une condamnation aux prud'hommes pour licenciement abusif qui a fait germer en elle une véritable haine des cols blancs. Ruinée, asphyxiée par les mauvais résultats, elle a décidé de devenir braqueuse de banques. De s'attaquer, tel un gangster moyen, à ceux qui avaient causé sa perte. Une véritable croisade contre le monde de la finance qu'elle mène flingue en main. En 2006 et 2007, la dame attaque quatre banques en France et en Allemagne, dissimulée derrière des lunettes de soleil et sous une perruque. Le montant de son butin cumulé s'élève à 175 000 euros, mais son premier mobile n'est-il pas de punir ces «escrocs» qui l'ont traitée comme une «moins que rien» ? Son fils de 21 ans est de la partie. C'est lui qui conduit la voiture à l'heure de la fuite. Une voiture de location que les gendarmes avaient mise sous surveillance... Devant les jurés de la cour d'assises d'appel de Meurthe-et-Moselle, en mai dernier, la commerçante se défend. «Je disais bonjour en arrivant. Je n'ai jamais été violente. [...] Je n'avais jamais eu ne serait-ce qu'un PV pour stationnement», déclare-t-elle, pour tenter d'échapper à la peine de dix ans de réclusion criminelle prononcée contre elle en première instance, deux ans auparavant. C'était avant sa déconfiture. Avant cette dégringolade qu'elle n'a pas supportée, elle qui eut autrefois un riche époux.
 

 

  • Les dealers et leurs «nourrices»
La crise n'épargne personne, pas même les handicapés. Dans cette cité du Val-de-Marne, les dealers en ont convaincu plusieurs d'abriter dans leur appartement leurs sacs en plastique bourrés de cannabis. Loin de chez eux, hors de portée de toute perquisition. Dans le charmant vocable de ce petit monde, on appelle ça une «nourrice». Les nourrices se multiplient avec la dureté des temps. Ce n'est pas un métier comme un autre. C'est un service que l'on rend sous la pression, moyennant quelques billets. Partie prenante de la logistique des trafiquants, elles en deviennent les complices souvent involontaires. Les dealers, une fois les lieux investis, se comportent chez leurs nourrices comme s'ils étaient chez eux. Ils entrent sans frapper, se servent, repartent. Les «victimes» ne portent jamais plainte, mais il arrive qu'elles aient de graves ennuis avec la justice. Personne ne vient alors leur payer les services d'un bon avocat. A la misère et à la peur s'ajoutent les ennuis avec les autorités. Lourde addition pour des squattés.
 

 

  • Certains font les poubelles
  Ça fait mal au coeur de voir un tube de dentifrice, un mascara, toutes ces canettes et ces yaourts partir au broyeur. A fortiori quand les fins de mois sont difficiles ! Des salariés d'une entreprise de nettoyage oeuvrant dans le périmètre de l'aéroport d'Orly avaient ainsi pris l'habitude de puiser au hasard parmi ces objets confisqués aux voyageurs pour des raisons de sécurité et destinés à être détruits. Réflexe normal pour les uns, faute professionnelle pour les autres. Au printemps dernier, six de ces «techniciennes de surface» ont failli perdre leur job pour «vol».
 
 
  • Fabrique de faux billets
  Les faux-monnayeurs, eux, se régalent. En période de crise, on est moins regardant. Cette coupure de 50 e a beau avoir été découpée dans une simple feuille de papier format A4, c'est tout de même un billet de 50 e. Vrai ou faux, on fait avec. Pour le plus grand bonheur de cet ancien imprimeur qui, depuis la faillite de son entreprise, mettait son savoir-faire au service d'une organisation criminelle. Pour faire face au manque de liquidités, il fabriquait des billets de 20 et de 50 e à la chaîne, dans son petit atelier clandestin du Val-de-Marne. Les Manouches les lui achetaient au kilo, puis partaient sur les routes de France «craquer» ces billets, ici dans une boulangerie, là dans une épicerie, transformant 50 e en monnaie de singe en billets estampillés Banque de France. Jusqu'à la découverte de l'usine à fric par la PJ, en juin dernier, l'une des plus grandes jamais démantelées en Europe. Entre 600 000 et 800 000 faux euros sont ainsi retirés chaque année du marché par les banques centrales en Europe. Plus de la moitié proviennent des environs de Naples. Une activité secondaire pour la Mafia, à qui les crises financières n'ont jamais fait peur.
 

 

  • Et maintenant, on vole aussi l'essence !
  Le prix de l'essence, du fioul et du gazole devient inabordable. Conséquence presque mécanique, les vols se multiplient. A tel point que l'on a vu le directeur d'un dépôt de carburant de Chindrieux, en Savoie, décider au printemps dernier de mettre la clé sous la porte. Une vingtaine de vols par an avaient fini par déséquilibrer les comptes de sa société. En cause, la hausse du baril de pétrole qui multiplie les vocations parmi les voleurs, passés maîtres dans l'art de siphonner les camions. Et ce ne sont pas les images vidéo enregistrées dans le dépôt qui ont rassuré les dirigeants : ils y ont vu des types armés de kalachnikovs, faisant penser qu'il s'agit d'un trafic à grande échelle. Les campagnes françaises sont, elles, confrontées à un autre phénomène en pleine recrudescence : le vol de bois de chauffage. L'augmentation du prix de l'énergie et la baisse des revenus des ménages ont fait bondir le trafic de bûches, relativement faciles à subtiliser, dans la mesure où le bois est entreposé le long des routes, souvent loin de toute habitation. Des vols qui, dans la France rurale, alimentent davantage les conversations que les vols de smartphones en ville. Dans la même veine, on signale à EDF une vogue des piratages de compteurs électriques et de raccordements sauvages.

Article publié dans le magazine Marianne n°802 et daté du 1er au 7 septembre 2012.

 

 

 



13/09/2012
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