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Police municipale : le défi de la formation La Lettre du Cadre Territorial numéro 394 (1er février 2009)

Police municipale : le défi de la formation

La demande de sécurité publique locale reste forte et les polices municipales sont confrontées à l'évolution rapide de leurs missions. Dans ce contexte, un besoin de professionnalisation du métier s'affirme et interroge la formation de ceux qui l'exercent. Son dispositif est-il à la hauteur de l'enjeu ?

Prévention, dissuasion, répression, police judiciaire, administrative, de proximité... le spectre d'exercice du métier de « flic municipal » est large... et en expansion. Le maire exerce désormais un « rôle pivot » en matière de politique locale de sécurité... Et le proche avenir devrait renforcer encore le rôle des PM : les suppressions de postes n'épargneront pas la police nationale, le rapporteur du projet de loi LOPSI (en discussion) souhaite que les policiers municipaux deviennent des OPJ... Dans ce contexte de mutation et de montée en puissance, la PM est en recherche de professionnalisation. L'enjeu passe par la formation . « C'est un gage de qualification et de reconnaissance qui renforce notre crédibilité vis-à-vis des populations et des autres forces de police », analyse un chef de PM. Le dispositif piloté par le CNFPT est-il à la hauteur de l'enjeu ? « Globalement perfectible » répondent les policiers consultés - dont certains sont formateurs au CNFPT -, tout en relevant l'intérêt d'un dispositif pédagogique alternant enseignements théoriques et mise en pratique, la volonté de l'établissement de les associer systématiquement à l'évolution de son offre et celle de l'adapter aux réalités du métier.

Temporalité inadaptée
L'exigence d'opérationnalité sur le terrain se heurte à un double décalage. Tout d'abord, entre la logique et la temporalité des recrutements, et les contraintes calendaires du CNFPT. Les policiers sont recrutés avant d'avoir suivi la formation initiale (FIA - 6 mois pour les agents et les chefs de service lauréats du concours interne, 9 mois pour les chefs de service lauréats du concours externe), mais celle-ci n'est organisée qu'à raison d'un nombre minimum de participants. Plusieurs semaines, voire des mois entiers séparent donc fréquemment le recrutement du départ en formation. L'exercice des fonctions étant lié à l'accomplissement de la FIA, ce décalage pénalise les agents qui ne peuvent exercer et les employeurs qui les rémunèrent dès leur nomination sans pouvoir, en principe, les utiliser de manière opérationnelle.

Défaut de réactivité
Il y a décalage, ensuite, avec le rythme soutenu de l'évolution rapide des textes et celui, plus lent, de la formation continue obligatoire (10 jours par période de 5 ans pour les agents et 3 ans pour les cadres). Des services de PM ont bien mis en place une veille juridique, mais la formation reste le meilleur moyen de garantir une application cohérente de la réglementation sur le territoire. « On peut comprendre qu'il est difficile de monter une formation pour chaque évolution juridique. Il y a un décalage entre les attentes du maire et la capacité de sa PM à répondre », explique Jacques-Henri Janssens, président de l'Association des policiers municipaux responsables de service (APMRS). S'ajoutent des contraintes d'organisation : une session de formation compte entre 15 et 20 stagiaires, en deçà elle est ajournée, au-delà, les participants renvoyés à une session ultérieure.

Application hétérogène
Autre point crucial, le constat d'hétérogénéité des formations dispensées. Le référentiel de formation des agents et des chefs de service est complet (celui des DPM a été validé par le CNO le 2 décembre 2009), mais général, laissant à chaque délégation du CNFPT le soin de le décliner. Le contenu de la formation connaît donc des variations d'une région à l'autre. À cela s'ajoute un déficit structurel notoire qui limite une mise en pratique jugée indispensable. « Les plateaux techniques demeurent insuffisants pour étudier les mises en situation opérationnelle, travailler les gestes techniques professionnels d'intervention, conduire en situation d'urgence... », expli­que Franck Denion, DPM de Montfermeil.

Le maniement des armes interroge également. Les policiers armés doivent suivre 12 heures de formation préalable (57 heures pour une arme de poing) et effectuer deux séances minimum par an d'entraînement au tir (le CNFPT proposera aux communes d'effectuer jusqu'à 4 séances en 2010). Encadré par 200 moniteurs formés par l'État, cet entraînement se heurte au nombre insuffisant de stands de tirs (des chefs de service confessent même envoyer leurs agents s'exercer dans des pays limitrophes) et sa fréquence varie selon que la commune mobilise ou non le financement permettant à ses agents de s'entraîner plus souvent. En dépit de référentiels nationaux, la nature de l'entraînement lui-même n'est pas homogène, alors que les professionnels affirment que seul le « tir dynamique » assure une réelle maîtrise de l'arme en situation. « Former au tir c'est bien, mais il faut aussi que la formation porte sur le policier armé sur la voie publique : comment se comporter ? comment ne pas
tirer ?... », ajoute Jacques-Henri Janssens.

Recherche d'équilibre
Évidente pour le tir, la question de la « philosophie d'intervention » traverse l'ensemble du corpus de formation. Le CNFPT s'est attaché à combler les besoins : des référentiels sont attendus fin 2009 pour les « brigades spéciales » (canine, équestre, motorisée) et la formation s'enrichit peu à peu de modules répondant aux nouvelles missions des services (délinquance juvénile, trafic de drogue, accueil des victimes...).
Mais dans un contexte d'extension du champ d'intervention et de réglementations de plus en plus spécialisées, l'effort répond en priorité aux exigences de spécialisation et de judiciarisation ; « la formation est plus axée sur la dimension technico-juridique du métier que sur le sens de l'intervention et le rôle de la PM en matière de prévention, de relationnel, de proxi­mité », analyse Virginie Malochet. Il est vrai qu'il est plus facile de délivrer un contenu technique que de faire passer un esprit...
Cela expliquerait que les cadres expriment un besoin de formation en matière de politiques locales de sécurité et de gestion des situations tendues en intervention. Le CNFPT proposera d'ailleurs en 2010 une nouvelle formation à la gestion de crise, conçue avec l'INHES (Institut national des hautes études de sécurité).

Spécialisée et intégrée
Pour la plupart des policiers, le remède passe par la création d'une École nationale, à l'image de celle des sapeurs-pompiers. Elle permettrait l'uniformisation des contenus de formation, une mise en pratique dans des structures adaptées, l'émergence d'un corps professoral en propre (le recours du CNFPT aux cabinets privés est fréquemment dénoncé), le développement de passerelles avec les autres forces de police et l'émergence d'un « esprit de corps ».
À cette hypothèse d'école spécifique, le ministère de l'Intérieur préfère la création de pôles de regroupement d'application, au sein du CNFPT. Une manière d'éviter que la reconnaissance de la spécificité de la filière aboutisse à la disjoindre du reste de la FPT, explique Virginie Malochet : « la formation doit être adaptée aux spécificités du métier et permettre de développer l'identité de la PM tout en rappelant son ancrage dans la FPT ». L'enjeu despécialisation doit se conjuguer avec l'exigence d'intégration, confirme Serge Colombié, responsable de la prévention des risques urbains à Drancy, car pour lui, « la politique locale de sécurité résulte d'une coproduction qui associe les policiers aux autres services municipaux et appelle une mise en œuvre transversale ».
Au total, tout n'est pas noir ou blanc. Si la formation du CNFPT s'est attirée des critiques, ce dernier en a pris conscience et s'est attaché à redresser la barre. Mais il convient surtout de replacer le dossier dans son contexte et ne pas oublier la séquence dans laquelle que nous sommes. Les policiers municipaux et leurs organisations bataillent auprès du ministère de l'Intérieur pour obtenir la création d'une école nationale. La critique du CNFPT et de ses formations est pour certains la meilleure manière de justifier l'impératif de l'école nationale. D'où la tentation parfois de noircir le tableau.



14/01/2012
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