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Dossier "lagazette.fr" SECURITE POLICE MUNICIPALE

 

 

 

Police municipale :

quelle place dans la chaîne de sécurité ?

 

 

Souvent présentée comme « la troisième force de sécurité du pays » après la police et la gendarmerie nationale, la police municipale continue à chercher sa place. Certains y voient une nouvelle police de proximité vouée au traitement des petites incivilités et au dialogue avec la population tandis que d’autres veulent en faire une force d’appoint aux policiers et gendarmes nationaux dans la lutte contre la délinquance.

Sur le terrain, la situation est très hétérogène. Suspendue à la volonté politique du maire et à la typologie des faits de délinquance, la « PM » est devenue plurielle. Impossible en effet de comparer l’îlotier isolé en milieu rural aux cohortes armées qui patrouillent dans les grandes agglomérations.
Le constat n’est pas nouveau, mais après la fusillade de l’autoroute A4 en mai 2010 qui a coûté la vie à une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet, le malaise est palpable et de nombreuses voix appellent à la définition d’une véritable doctrine d’emploi, partagée par tous. Un débat, parfois passionné, qui interroge les missions des « PM » et donc leur exposition aux risques et la nécessité ou pas de les doter en armement.

Pour répondre à ce besoin de reconnaissance, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a voulu apporter, en juin 2011, à Nice, des propositions opérationnelles. Parmi les mesures annoncées : le renforcement de la coopération avec les polices d’Etat.

Projet de décret - S’inspirant des conclusions d’un rapport inter-inspections, un projet de décret est d’ores et déjà sur les rails. Dans le même temps, après quatre ans de sommeil, la commission consultative des polices municipales a été réactivée. Présidée par le député-maire de Nice, Christian Estrosi, cette instance tripartite est appelée à étudier les dossiers sensibles en cours, notamment la question de la réforme statutaire et celle du volet social de la police municipale.

Dans ce contexte, le Club « Prévention–sécurité » de la Gazette a organisé, le 13 octobre, à la Chapelle St Mesmin, près d’Orléans sa 3è édition et a réuni experts et professionnels pour débattre de l’avenir du métier.

 

Les policiers municipaux revendiquent de la clarté dans les doctrines d’emploi

 

Trois policiers municipaux ont expliqué, le 13 octobre, lors du Club Prévention-Sécurité la diversité de leurs situations, qui rend nécessaire, selon eux, une doctrine d’emploi souple pour les services, mais partagée par tous. Témoignages

 

« Le 17 nous appelle pour intervenir »

Philippe Piquet, chef de service à La Madeleine (23.000 habitants, 59), président de l’Association des fonctionnaires de police territoriale.

Aux chefs de services d’interpréter la doctrine d’emplois car les élus ne sont pas toujours formés pour cela. Nous ne sommes pas assez encadrés ni dirigés par les élus : on agit au coup par coup, la doctrine d’emploi dépend de la politique du moment.
Notre convention de coordination est peu claire, c’est un cadre à minima qu’on respecte, même si on est souvent hors du cadre… La Police nationale se désengage et nous laisse maître du terrain. Le 17 nous appelle pour intervenir, mais à chaque fois on se pose la question d’y aller ou pas.
C’est au chef de service de décider, mais on ne sait pas sur quel pied danser même si les habitants et les élus ne comprendraient pas qu’on n’intervienne pas. L’État ne joue pas totalement le jeu et c’est pourquoi il faut souvent compter sur nos propres moyens : en cas d’intervention on sait qu’on ne peut pas compter sur le commissariat qui n’a souvent, ni les hommes, ni les véhicules pour se déplacer. Il faut poursuivre le travail de proximité avec l’îlotage, la prévention et la répression.

« Maintenir le travail de proximité »

David Monnier, chef de service à Longvic (10.000 habitants, 21)

La reconnaissance de la police municipale a été obtenue grâce à la proximité. Il faut poursuivre ce travail et assurer, par exemple, les sorties d’écoles car c’est un lieu d’échanges avec les enfants et les parents, surtout dans un quartier sensible. Mais les limites avec le maintien de l’ordre sont souvent ténues ; on est à la frontière et il est parfois difficile pour la PM de se situer, surtout face au désengagement de la police nationale et au transfert de charges.
On s’est adapté à ces nouvelles missions avec des gilets pare-balles, des vitres anti-projectiles. Sur le papier, la coordination avec la police nationale est claire, mais sur le terrain c’est différent, même si tout dépend des relations et du respect que nous avons entre policiers.
Il n’est pas question pour nous de prendre la place de la police nationale ou de déclarer des guerres de clochers, c’est pourquoi nos compétences doivent être précisées. Nous avons aussi une mission de conseil pour le maire ou les élus pour les questions d’aménagement, de sécurité ou d’urbanisme dans les quartiers.

« Un travail transversal avec tous les services de la ville »

Isabelle Prouteau, chef de service à Orléans (115.000 habitants, 45)

La proximité est la base de notre métier, mais cela n’exclut pas la lutte contre la petite et moyenne délinquance sur le terrain. Grâce à des moyens importants (108 agents dont 24 maîtres-chiens qui travaillent 24/24 7 jours sur 7, géolocalisation, vidéo protection, cartographie de la délinquance, etc.) nous avons ouvert 5 postes de quartier avec des agents et des îlotiers sédentarisés et fidélisés qui se déplacent en binôme à pied, en VTT ou à moto.
Notre doctrine d’emploi, qui repose sur un travail transversal avec tous les services de la ville, couvre tous les champs d’intervention : la prévention (tutorat, aide aux devoirs, animation jeunesse), la dissuasion et la répression.
La coordination avec les forces de l’Etat se passe très bien sur le terrain, même si le désengagement de l’Etat est patent : le 17 est désormais basculé automatiquement sur la police municipale. On ne sait pas jusqu’à quand on va pouvoir absorber ces transferts de charges et cela d’autant plus qu’il faut aussi faire face à la pression de la population, avec 400.000 appels téléphoniques annuels.

 

« Un glissement progressif vers la judiciarisation des polices municipales » – Virginie Malochet

 

Virginie Malochet, sociologue, à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Ile-de-France, chercheure associée au CESDIP-CNRS, explique les évolutions de la police municipale, sa diversité, sur le terrain, et son glissement vers un travail plus policier.

 

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la police municipale après les rencontres nationales de Nice ?

On peut dire qu’il y a un avant et un après Nice qui représentera peut-être une rencontre symbolique. Cette réunion a eu l’avantage de réinterroger les perspectives d’avenir de la PM, ses missions, sa complémentarité avec les forces de sécurité de l’Etat. L’actualité récente est un révélateur de la montée en puissance des PM qui reconfigurent le paysage policier français.
En 20 ans, leur nombre a doublé, avec 3500 communes couvertes, tandis que les effectifs ont triplé pour approcher les 20.000 policiers et même 28.000 si l’on ajoute les personnels proches, ce qui donne tout de même 11% des effectifs cumulés de la police nationale et de la gendarmerie.

Mais y a-t-il une police municipale type ?

Non, il faut parler des polices municipales parce que ces forces sont inégalement réparties sur le territoire et avec des missions très diverses. Une grande part des effectifs – près de 60% – travaille dans les agglomérations et les milieux urbains et d’abord en Ile-de-France et dans le grand quart Sud-Est.
Pour la doctrine d’emploi, il n’y a pas de modèle unique : à chaque PM ses interventions prioritaires et sa coproduction de sécurité qui est une notion relativement consensuelle chez les élus, mais qui masque des transferts de charges. Car plus ces polices municipales se développent et plus l’Etat est tenté de leurs transférer de nouvelles charges, ce qui conduit les polices locales à se décharger à leur tour sur d’autres professionnels, les ASVP, les médiateurs, etc.

Le travail de proximité est-il toujours leur priorité ?

La notion de police de proximité est fédératrice chez les élus et représente toujours le noyau dur des missions des PM. Pourtant, ce terme de police de proximité est un terme valise qui ne dit plus grand chose.
Les doctrines d’emplois sont diverses, mais les PM glissent progressivement vers un champ d’intervention plus policier au risque d’évacuer le travail de proximité.
Ce glissement d’activité n’est pas sans poser de questions : quelle valeur ajoutée, quelles spécificités les polices municipales apportent-elles par rapport aux forces de l’Etat ?

La frontière entre proximité et lutte contre la délinquance peut être floue…

C’est vrai et c’est pourquoi il faut définir clairement les doctrines d’emploi. Il y a une lente judiciarisation de l’activité. Certains élus veulent une municipalisation de la sécurité publique avec une police municipale plus sécuritaire, de lutte contre la délinquance et qui se substitue parfois à la police nationale et à la gendarmerie. Le développement de la vidéosurveillance tend d’ailleurs à renforcer cette judiciarisation et ce lien de subordination à la police nationale.
Depuis 12 ans, le législateur a sensiblement augmenté les prérogatives répressives des PM. Il suffit de voir le projet initial de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2).

Cette vision n’est pourtant pas partagée par tous les élus…

C’est vrai, beaucoup adoptent une position intermédiaire. Mais il ne faut pas surestimer le portage politique de ces polices répressives : les policiers municipaux sont d’abord les acteurs de cette politique, ils interprètent et adaptent leurs missions. Il ne faut pas considérer la police municipale comme étant passivement soumise au maire. Les policiers municipaux veulent quelque peu s’émanciper du politique et gagner en autonomie. Mais les maires en restent naturellement les « patrons ».

Quelles perspectives envisagez-vous pour ces polices ?

Le débat est en cours. Le développement des polices municipales va sans doute se poursuivre. Mais un recadrage est déjà intervenu pour définir des limites à ne pas dépasser : l’intervention du Conseil constitutionnel sur des articles de la LOPPSI 2 et la circulaire du 20 juillet 2011 rappelant l’interdiction des missions de maintien de l’ordre aux policiers municipaux peuvent être considérées comme salutaires et même comme un atout pour ces polices.
La nouvelle génération de conventions de coordination peut apporter un éclairage nouveau. Mais le débat de fond reste ouvert : les polices municipales doivent-elles être davantage au service de la chaîne pénale qu’à celui des collectivités territoriales ?

 

« Le décret améliorera la coordination avec les polices d’Etat » – Laurent Cayrel

 

Préfet, inspecteur général de l’administration, Laurent Cayrel a co-rédigé en janvier 2011 le rapport sur le positionnement des polices municipales. Il explique le rôle clé des futures conventions de coordination.

 

Où en est le décret qui devait suivre votre rapport ?

Le projet de décret qui reprend les préconisations du rapport a été soumis au conseil d’Etat et présenté lors des Rencontres de Nice de juin 2011. Le ministre de l’Intérieur a souhaité une concertation approfondie sur ce texte.
Parallèlement, la commission consultative des polices municipales a été relancée en septembre sous la présidence de Christian Estrosi, député-maire de Nice.
Le ministre a donné à cette commission la mission de relire, voire d’amender ce décret, notamment sur les questions liées à l’armement et sur la nécessité d’un volet social. Le projet de décret est prêt. Il sera sans doute discuté au prochain Congrès des maires de novembre 2011 et pourrait donc être publié en fin d’année ou début 2012.

Ce texte annonce une nouvelle génération de conventions de coordination. Les anciennes n’ont-elles donc pas fonctionné ?

Souvent ces conventions n’ont fait que recopier la convention type, sans aucune personnalisation locale. On a voulu faire du chiffre et c’est ainsi qu’il en existe près de 1800. Mais ces conventions avaient aussi un caractère obligatoire, notamment pour armer les policiers municipaux. Leur contenu était souvent très formel, sans intérêt, et péchait par un contenu médiocre, sauf dans quelques rares exemples.

Pourtant vous les maintenez tout en créant de profondes modifications…

Les supprimer aurait nécessité une évolution législative. Nous conservons donc ces conventions, mais nous en créons une nouvelle qui interviendra lors des renouvellements. La méthode est désormais très différente.
Ces nouvelles conventions seront sélectives – réservées à quelques dizaines d’agglomérations -, limitées dans le temps, basées sur le volontariat des maires, avec un contenu qui sera adapté à la réalisation d’un diagnostic de sécurité local. C’est à partir de cette analyse fine et précise que les missions de la PM pourront être définies et que la coopération avec les forces de sécurité de l’Etat pourra être formalisée.

En quoi cette coordination des polices est-elle urgente ?

La PM est devenue la troisième force de sécurité, mais ses missions ont évolué, la société est de plus en plus violente, la population et les élus sont de plus en plus exigeants envers leurs polices. Elles sont souvent prises entre différents débats sur la doctrine d’emploi, sur les moyens, sur les transferts de charges de l’Etat sur les collectivités. C’est pourquoi la coordination et la coopération entre forces de sécurité sont indispensables. Mais il faut pour cela une volonté commune d’aboutir.

Le projet de décret vous satisfait-il ?

À mon avis, le projet de décret n’est pas suffisamment précis sur le diagnostic de sécurité. Je dis aux policiers municipaux : passez le message à vos maires pour être exigeants sur ces diagnostics. S’il est précis, la répartition des missions sera plus aisée.
Ce diagnostic doit apporter une analyse globale de la sécurité, des missions qui incombent aux PM et aux forces nationales, des dispositifs de gouvernance et des moyens techniques, notamment de communication pour réussir cette coopération.
Aurélie Fouquet, qui était armée, a été tuée d’abord pour un manque de coordination et d’échanges d’information avec la police nationale.

Et la question de l’armement ?

La question de l’armement est totalement liée aux missions de la PM. Si les missions prévoient que cette police est exposée dans des cités sensibles ou par un travail de nuit, alors elle peut être armée. S’il n’y a pas d’exposition aux risques, la question de l’armement ne se pose pas.
C’est vrai, le débat s’est cristallisé ; des élus et des policiers veulent des armes, certains, comme le député Jean-Jacques Urvoas (PS, ndlr) veulent au contraire désarmer ces polices. Le raisonnement doit être simple : les missions avant les moyens !

Quel message souhaiteriez-vous laisser avec votre rapport ?

La PM est une police territoriale à la main des maires. Toute évolution doit donc passer par les maires. Pour faire évoluer ce cadre, il faut sans doute améliorer l’existant : la loi de 99 et la Loppsi 1 et 2 suffisent, sans qu’il soit nécessaire d’adopter un statut dérogatoire à la fonction publique.
Sur ce point, les élus qui ont vu les dérives que cela entraînait avec les sapeurs-pompiers sont d’accords. À défaut de révolution, il faut d’abord apporter des réponses précises et techniques pour améliorer la coopération, mais sans bouleverser l’équilibre des institutions.

 



29/10/2011
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